lundi 23 avril 2012

Un autre regard sur les élections : la parole à Isbjørn


Jusqu'ici, j'avais tenu mon blog éloigné de tout le boucan que fait la campagne présidentielle. On en entend assez parler partout et mes opinions ne regardent que moi.
J'ai été assez choquée par l'avalanche, sur les réseaux sociaux, de messages qui, loin d'ouvrir au débat, font plutôt office de propagande - du simple "Votez Machin !" au plus agressif "Si vous ne votez pas Truc, vous êtes ......" (placez ici le qualificatif désagréable qu'il vous plaira). Le tout agrémenté de slogans déjà visibles partout ou de vidéos de campagne. Ces messages provoquent généralement des réactions en chaîne dans les commentaires, de soutien ou d'opposition, et la discussion tourne plus souvent à l'échange d'insultes qu'à autre chose.
Entendons-nous bien : je ne suis pas contre l'expression des choix politiques des uns et des autres, encore faudrait-il pouvoir en discuter vraiment plutôt que de recevoir des coups de marteau médiatiques.
J'ai été encore plus choquée hier par les photos de bulletins prises dans les isoloirs. Qu'est-ce que vous cherchez à prouver exactement ?
Au milieu de tout ce bruit, les voix discordantes qui parviennent à se faire entendre sont rares. Aussi j'ai tenu à vous faire parvenir un texte écrit hier matin par mon ami Isbjørn. Je le laisse à votre appréciation.
Bonne lecture !


"Comme on vient de subir un an de bourrage de crâne pour nous amener à aller faire la petite commission dans l’urne, on souffrira bien une petite voix divergente.

Il s’agit ici de réagir à quelques phrases toutes faites qu’on nous assène comme des vérités premières :

1 – « Ne laissez personne décider à votre place »

Mais c’est justement pour ça que vous allez voter : choisir quelqu’un qui décidera à votre place. Et ce, pour cinq ans, sans que vous ne puissiez rien n’y changer avant le barnum suivant, dans cinq ans.
Alors, on se retrouvera peut-être dans la rue pour quelque mouvement social qui débouchera sur un accord signé entre le gouvernement et les « partenaires sociaux » qui vous diront que « c’est pas la rue qui décide » mais que l’équipe en place a été élue démocratiquement et que si vous voulez changer les choses, les élections c’est en 2017.

2 – « Quand on ne vote pas on n’a pas le droit de se plaindre »

Je pense exactement l’inverse. Bien que je ne le formulerais pas en termes de « droit ou pas droit » de faire quoi que ce soit.
L’inverse, parce que ce sont ceux qui ont voté qui ont porté au pouvoir les dirigeants contre lesquels on râlera dans quelques temps.
Tous ceux qui, ce dimanche, vont à la grande messe, sont en train – tous – d’élire le vainqueur.
Car 100 % des votants seront les responsables de l’accession au pouvoir du vainqueur ; pour quelque candidat qu’ils auront voté. Ils lui auront donné sa « légitimité », celle-là même qui lui permettra de rétorquer qu’il faut « respecter le jeu de la démocratie, si les gens veulent protester ils pourront s’exprimer dans les urnes ».

Pour reprendre une antienne de votard (« Ne pas voter, c’est faire le jeu de XXX »), je dirais que « voter, c’est faire le jeu du vainqueur ».

3 – « Le vote devrait obligatoire »

Tu m’étonnes…
Le vote est la clef de voûte de la démocratie bourgeoise – ou plus exactement : de l’oligarchie ploutocratique (comme disait Cornélius Castoriadis).
Ce qui effraie vraiment les petits chefaillons qui se présentent aux élections, ce n’est pas vraiment de perdre mais plutôt de voir le système électoral se casser la gueule.
Alors pour lutter contre l’abstention, la réponse envisagée est la seule que connaisse le pouvoir : l’obligation et la sanction.
A aucun moment les édiles et leurs fidèles ne se remettront en cause en se disant que si l’abstention augmente, c’est peut-être parce qu’il faut se poser des questions sur la pertinence du système électoral. Mais on n’abandonne pas comme ça son fond de commerce.

4 – « Des gens sont morts pour le droit de vote »

Et alors ?
Des gens sont morts pour le droit de grève : pourquoi on est toujours une poignée en grève ?
Des gens sont morts pour l’autogestion ; pour la Commune ; pour les 40 heures (comme on est à une semaine du 1er mai, c’est l’occasion de rappeler l’assassinat d’Etat des militants anarchistes qui militaient pour les 40 heures au meeting de Haymarket en 1886 ; c’est là l’origine du 1er mai) ; pour l’émancipation ; pour la liberté ; etc.
« Ah oui mais » – me répondra-t-on – « moi je suis pas autogestionnaire » ; eh ben moi je suis pas votard.
Cet « argument » qui consiste à dire que des gens sont morts pour le vote est typique d’un mode de pensée dogmatique ; au sens religieux du terme. Il use de la culpabilisation inhérente à toute religion pour non pas convaincre mais terroriser (osons le mot) et menacer implicitement des flammes de l’enfer.
Souvent, bien évidemment, cette sentence qui convoque les saints martyrs, est prononcée  par des gens qui ne sacrifieront pas une journée de salaire pour faire grève… Peut-être qu’ils seraient prêt à donner leur vie ? (ça fait moins petit joueur).



Il y aurait tant d’autres choses à dire.
Albert Libertad, Zo d’Axa, Octove Mirbeau, entre autres, disent tout ça beaucoup mieux que moi et avec une belle verve.

Un an que le dogme électoraliste insulte qui n’y croit pas, qu’il déclare anathème tout récalcitrant. Un an qu’on subit les leçons de morales des petits stratèges quinquennaux.

Je leur réponds :

Démocratie directe, autogestion, fédéralisme libertaire, entraide, émancipation de tous les pouvoirs.

Comme disaient les Argentins en 2001 : « Qu’ils s’en aillent tous ! » (mais vraiment tous, même le tribun qui a récupéré ce slogan à son profit).


Isbjørn, le matin du 22 avril 2012"

7 commentaires:

  1. Vous pouvez aussi consulter l'interview de Jacques Rancière par le Nouvel Obs : http://bibliobs.nouvelobs.com/tranches-de-campagne/20120418.OBS6504/jacques-ranciere-l-election-ce-n-est-pas-la-democratie.html

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  2. Jolie façon de ne pas avoir à choisir. Si tous les abstentionnistes avaient ce discours là, ils seraient plus facile à excuser...
    En attendant, je suis de ceux qui récupèrent les miettes. Oui manifester et être en grève, mais aussi voter parce que quoiqu'on en dise, non, ils ne se "valent" pas tous.
    Sans avoir l'illusion de choisir la politique de demain (ce que d'ailleurs je ne souhaite pas).

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    1. Et pourquoi donc faudrait-il "choisir" seulement parmi le choix qu'on nous impose ? As-tu "choisi" la forme même de la désignation du chef ? De quel choix parles-tu ? Tout t'est imposé d'en haut : les candidats, la méthode, etc.
      Un vrai choix, Isbjorn en fait un. A partir d'une véritable réflexion personnelle hors des évidences martelées et considérées comme insurpassables.
      Ils ne se valent pas tous, certains candidats peuvent paraître intègres et honnêtes : il ne s'agit pas d'attaquer ad hominem, mais de refuser tout un système qu'on nous présente comme le seul possible, sans remises en question.

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    2. Je suis en accord complet avec Isbjorn et Anonyme n°2.
      Et j'ajouterais qu'il y a une différence entre les abstentionnistes de notre sorte et tous les votards donneurs de leçons, c'est qu'on laisse les gens faire leur choix. Je n'ai jamais dit "putain mais t'es vraiment con d'aller voter gnagnagna", en revanche j'ai souvent entendu "gnagna morts pour le droit de vote, gnagna c'est de votre faute si Sarko/ Le Pen est élu(e),...".
      Mon choix est issu d'une longue réflexion personnelle que j'estime sensée, et j'aimerais beaucoup que l'on arrête de vouloir me donner des leçons.

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  3. Pour ceux qui voudraient relire ou découvrir le texte de Mirbeau auquel il est fait référence, voilà un lien : La grève des électeurs .

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  4. Je ne sais pas si tu connais, mais je te conseille d'aller voir les travaux d'Etienne Chouard ;)

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    1. Ah ? Je vais aller jeter un oeil. Je suis toujours curieuse...

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