samedi 28 janvier 2012

Flemme d'un samedi d'hiver

Voilà, je suis rentrée.
Rentrée depuis quelques jours, et mon texte qui n'avance plus.
Le manuscrit me lorgne, d'un oeil accusateur, depuis le sac dans lequel je l'ai abandonné.

Je regarde ce chaos, sur le sol de l'appartement, où la valise est venue se vider. Se vider mais sans se défaire, puisqu'elle n'est pas encore rangée. Là, sur le sol, la trace des semaines qui viennent de s'écouler. Et mon livre qui n'avance plus.

Je regrette déjà mon "bureau", au café de Paris, et les longues heures passées à y aligner des mots.

La lumière du soleil, aussi, me fait défaut.

Comme tout me semble loin, tout à coup...

Je suis contente d'être rentrée, mais je me laisse envahir par une apathie hivernale. Sous la couette, je lis quelques lignes.

Il faudrait que je travaille.

Quand le froid m'a trop engourdie, je file sous le jet de la douche. Chaud. Aussi chaud que ma peau puisse le supporter. Au moins, ici, il y a de la pression.
Mais très vite - trop vite - le ballon est vide. Après il faut attendre. Oui, car je chauffe à l'électrique. Loin de moi la question du gaz, de ses dangers. Plus besoin de sortir vérifier si le chauffe-eau est en marche.

Après, c'est de nouveau la couette. Mes doigts paresseux tapent sans vraiment y penser, retournant sans cesse sur les sites d'Easyjet, RyanAir ou Eurolines. J'ai la nostalgie des départs.

Je devrais travailler.

Plus tard, je traîne sur les toilettes, un livre à la main. C'est la pièce la mieux chauffée, aussi quand le froid reprend le dessus, c'est tout naturellement, presque sans m'en rendre compte, que j'y atterris.
Atterrir. Encore un mot du voyage. Et mon manuscrit qui me regarde...

Dans mes rêves se tendent des toiles légères de fils sur des toits blancs.
Je leur oppose mes toits de zinc. Ceux qui s'étalent sous mes fenêtres. C'est beau, aussi, les toits de Paris. Je rêvasse.

Il faudrait que je travaille.

Rostropovich s'échine sur le premier concerto de Shostakovich. Normalement, ça me donne de l'énergie. Mais là, je me sens indolente. Je vais plutôt faire du thé.

C'est bon, de se laisser aller, à Paris, l'hiver. Si j'hibernais ?

Toujours l'oeil sombre au fond du sac.

Alors que je l'écrase, de tout mon poids, sous le matelas, le manuscrit pousse à peine un cri plaintif. Déjà, il se tait. Je vais pouvoir flemmarder en paix.
Je sens sa présence, là, sous mes jambes. Je ricane en me disant qu'au moins, il ne peut plus me menacer de son oeil sombre.
Mais ce renflement, là, sous le matelas. Rongée par la culpabilité, je sors, je vais faire un tour. Ce faux-frère aura réussi à me chasser de chez moi.
En dévalant les escaliers, je l'entends qui éclate d'un rire sardonique. Un rire de victoire, terrible et menaçant, comme un oignon arraché à la barbe de Van Gogh.


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